Le Malleus Maleficarum
En 1487, pendant l’Inquisition, deux frères dominicains, Heinrich Kramer et Jacob Sprenger publient le Malleus Maleficarum, traduit par le Marteau des sorcières. Ce livre a servi de manuel aux chasseurs de sorcières.
Le but du livre était de prouver que toutes les femmes étaient des sorcières. Le manuel des chasseurs de sorcières donne des détails sur les différents types de magie existants. Il comprend des passages sur la sorcellerie et les sorts. Il prétend aider les chasseurs à identifier les sorcières tout en leur fournissant des méthodes pour capturer, interroger, juger et torturer les accusées jusqu’à ce qu’elles avouent.
Profondément misogyne, le manuel promeut l’idée que les femmes sont intrinsèquement mauvaises et qu’elles concluent des pactes avec le diable.
Pour justifier les procès inéquitables et les horribles actes de torture, le livre invite les autorités ecclésiastiques et les juges à ne faire preuve d’aucune compassion ou faiblesse.
Les auteurs
Heinrich Kramer et Johann Sprenger sont les auteurs du manuel des chasseurs de sorcières. Tous deux étaient des frères dominicains. Ironiquement, les Dominicains sont un ordre religieux catholique fondé par saint Dominique, le saint patron des personnes faussement accusées. Il incarnait la compassion.
Kramer, d’abord professeur de théologie à l’Université de Salzbourg, en Autriche, devient plus tard inquisiteur. Sa renommée est dès lors faite.
On prétend que Sprenger a eu un rôle mineur dans la rédaction de ce manuel.
Malleus Maleficarum
Le hasard des innovations fait que l’imprimerie vient d’être inventée. Du coup, le Mallum se retrouve entre les mains de plus de 30 000 chasseurs de sorcières. Il y aura 28 éditions successives entre 1487 et 1600. Il devient dès lors un classique utilisé par l’Inquisition pour mener les procès.
Pour légitimer sa folie meurtrière, Kramer en appelle au pape. Innocent VIII, qui déplore la propagation de la sorcellerie, promulgue un décret, une bulle papale, en 1484. Il approuve officiellement les méthodes de Kramer en lui donnant les pleins pouvoirs pour traquer, torturer, traduire en justice et exécuter les sorcières. Certains suggèrent que Kramer aurait payé le pape pour obtenir cette bulle.
L’équation impossible
Pourtant, tous les membres du clergé n’ont pas soutenu les idées du manuel. L’université de Cologne par exemple, a refusé de donner son approbation. Ses représentants ont même condamné le manuel pour ses méthodes contraires à l’éthique et incompatibles avec la doctrine catholique.
Certains théologiens et érudits chrétiens ont nié la réalité de la sorcellerie. Mais les idées du manuel du chasseur de sorcières s’inspirent de la Bible qui professe : « Tu ne permettras pas à une sorcière de vivre”.
Du coup, si la Bible disait qu’il y avait des sorcières, l’Église devait considérer comme une hérétique tout ceux niaient l’existence des sorcières.
L’équation devenait diabolique.
Je ne crois pas aux sorcières, je suis donc un hérétique et je passe par le bûcher. Mais si je me tais, c’est une innocente qui monte sur le bûcher, après avoir été torturée. Peut-être même devrai-je accuser une innocente pour me sauver moi-même !
Les personnes accusées d’hérésie étaient contraintes de témoigner. Si l’hérétique n’avouait pas, la torture et l’exécution étaient inévitables. Les hérétiques n’étaient pas autorisés à faire face à des accusateurs. Ils n’avaient pas d’avocat et étaient souvent eux-mêmes victimes de fausses accusations.
Le marteau des sorcières a rapidement fait taire les voix les plus rationnelles qui s’opposaient à la chasse aux sorcières.
L’obsession misogyne de Kramer
Aux XVIe et XVIIe siècles, les autorités utilisent le manuel des chasseurs de sorcières pour justifier une intense période de persécution des femmes.
Kramer n’a pas complètement exclu les hommes. Les hommes peuvent aussi être des sorciers. Toutefois, selon lui, le mal est avant tout féminin. Si les sorciers sont rares., les sorcières, elles, sont légion.
Son livre a largement pris les femmes pour cibles car source du mal. Beaucoup de ses contemporains pensaient que Kramer faisait spécifiquement la guerre aux femmes plutôt qu’aux sorcières. Son attitude incroyablement misogyne transparaît dans le Malleus Maleficarum.
Toutes les femmes étaient susceptibles de subir les procès en sorcellerie : les pauvres, les déficientes mentales, les guérisseuses, les herboristes mais plus spécifiquement sages-femmes. Selon Kramer, les sages-femmes surpassent toutes les autres en “méchanceté” car elles seraient à l’origine de tous les problèmes. Il enseignait qu’elles mangeaient les bébés ou les offraient au diable au moment de leur naissance.
La sexualité dans le Marteau des Sorcières
Heinrich Kramer était particulièrement intéressé par les pratiques sexuelles de l’accusée. Puisque les femmes « ne connaissent aucune modération dans la bonté ou le vice » et « toute la sorcellerie vient de la luxure charnelle, qui est insatiable chez les femmes ».
Selon le manuel, les femmes étaient inférieures aux hommes avec une nature intrinsèquement mauvaise. Seule une femme comme la Vierge Marie, idéalisée par Kramer, pouvait être bonne.
La plupart des femmes n’étaient rien de plus que des tentatrices, des créatures lubriques et trompeuses tout juste bonnes à se vautrer dans la luxure et le péché. Toute femme sexuellement active était susceptible d’être une sorcière. Les jeunes filles vierges, en particulier, sont si lubriques que le diable peut rapidement les amener à leur faire faire ce qu’il veut. Donc, elles sont aussi des sorcières.
Bien évidemment, le Mallus accuse les femmes de fréquenter sexuellement des incubes, des démons mâles ou le diable en personne. Ce qui l’emmène très sérieusement à se demander si une sorcière peut naitre d’une telle union. Il affirme que les démons peuvent collecter le sperme d’un humain et le transférer à un autre.
L’une des affirmations les plus étranges de Kramer prétend que les sorcières peuvent lancer un sort à un homme pour lui faire croire que son pénis a disparu. Il conclut que seul le diable peut, en réalité, retirer complétement le membre d’un homme. La sorcière, elle en revanche, dans sa faiblesse, ne peut que faire croire à l’illusion.
Kramer et Helena Scheuberin
Un procès, en particulier, est remarquable. C’est lui qui a conduit à la rédaction du Malleus Maleficarum .
En 1485, le procès d’Helena Scheuberin a lieu à Innsbruck, en Autriche. Les gens la connaissaient comme une femme forte, indépendante et qui ne mâchait pas ses mots.
Quand Heinrich Kramer est allé à Innsbruck pour y chasser les sorcières, Scheuberin l’a insulté et a craché à ses pieds. Elle l’a également traité d’hérétique pour ses actes diaboliques contre les femmes. Elle conseilla aux autres de ne pas écouter ses sermons haineux l’égard des femmes.
Kramer lança alors une vendetta obsessionnelle contre Scheuberin. Il l’accusa d’avoir utilisé la sorcellerie pour tuer un homme.
Au cours du procès, Kramer a essentiellement interrogé Scheuberin sur ses activités sexuelles et a mis en doute sa virginité.
L’évêque Georg Golser, homme rationnel, répliqua que Kramer “ présumait beaucoup de choses qui n’avaient pas été prouvées « . Kramer fut expulsé d’Innsbruck.
La disgrâce et l’humiliation subies pousse Kramer à rédiger l’incendiaire Malleus Maleficarum .
Influence du Malleus Maleficarum
Le marteau des sorcières a influencé l’histoire dans une direction folle.
Comme l’écrivain Shelly Barclay l’a dit : « Aux yeux d’aujourd’hui, ce manuel est une leçon terrifiante sur le pouvoir malavisé, sur le danger des fausses superstitions religieuses et sur l’acceptation donnée à une seule institution religieuse de contrôler le bien-être public. Les procès et les exécutions de sorcières se sont poursuivis en Europe et en Amérique du Nord jusqu’au 17ième siècle. Les célèbres procès des sorcières de Salem ont eu lieu entre février 1692 et mai 1693, au cours desquels 200 personnes ont été accusées de sorcellerie et environ 20 personnes ont été pendues”
La dernière personne jugée en Europe fut Anna Göldi, qui fut décapitée le 13 juin 1782, après avoir avoué, sous la torture, avoir conclu un pacte avec le diable.