La puissance mystique de la musique soigne l’âme.
Il y a 2 500 ans, deux visionnaires vivaient à une génération d’intervalle. Pythagore (vers 570 – vers 495 avant JC) est né le jour où s’est jetée à la mer Sappho (vers 630 – vers 570 avant JC). Ils ont révolutionné le fond le plus profond de la pensée moderne. Leurs idées sur l’art le plus universel, la musique, sont toujours présentes aujourd’hui.
Pythagore
À une époque où l’instrument de musique le plus répandu était la lyre hellénique à quatre cordes, Pythagore a découvert la relation entre l’harmonie musicale et l’harmonie mathématique des nombres. Il a tout découvert la puissance mystique de la musique.
Les musiciens n’avaient aucun système standardisé d’accordage de leurs instruments.
Mais un jour, devant une forge, Pythagore fut captivé par le son des marteaux qui lui sembla étrangement harmonieux. Il se précipita dans la forge. Et il commença immédiatement à rechercher l’origine de cette harmonie. Il testa les différents marteaux dans diverses combinaisons de coups.
Certains produisaient de l’harmonie, d’autres de la discorde.
Après avoir analysé les modèles et pesé les marteaux, il découvre une relation mathématique simple entre ceux qui produisaient l’harmonie. Leurs masses étaient des rapports exacts les uns des autres.
Bien que l’anecdote puisse paraître amusante, Pythagore a fini par tester ces ratios sur la lyre. Ils se sont avérés parfaitement prédictifs de l’harmonie. C’était là, la première découverte d’une règle mathématique sous-jacente à un phénomène physique. Puissance mystique musicale et mathématiques ne font qu’un.
A notre époque, Pythagore est surtout connu de tous les écoliers pour son célèbre théorème du triangle. Pourtant, il est aussi le pionnier de l’âge d’or des mathématiques. Il a inventé le mot philosophie. Il a défini le sens même de la sagesse en semant des idées scientifiques qui ont permis les révolutions futures. Lesquelles furent développées par des visionnaires aussi ambitieux que Platon, Copernic, Descartes, Kepler, Newton et Einstein.

Un précurseur social
Mais à son époque, Pythagore est un radical, un dissident, un déviant intellectuel bref, un renégat. Ses vues progressistes sur la réforme sociale l’ont amené à fuir le régime tyrannique de son ile natal, Samos.
Il s’installa dans la colonie grecque de Crotone en tant que réfugié. Et il y fonda une école philosophique. Ses disciples, connus sous le nom de Pythagoriciens, imaginèrent un modèle de l’univers qui plaçait en son centre une boule de feu, plus de mille ans avant que Copernic, et son héliocentrisme, ne bouleverse nos connaissances sur l’espace.
Bien avant le féminisme et le mouvement #metoo, les pythagoriciens ont admis dans leur école une classe de sous-citoyens privés d’éducation et exclus du système démocratique naissant : les femmes.
L’une d’elles est devenue la première femme astronome connue au monde, Hypatie d’Alexandrie, qui a vécu sa vie de pionnière et est décédée d’une mort sauvage.
Hypatie d’Alexandrie
Hypatie enseignait la philosophie, les mathématiques et l’astronomie quand elle fut attaquée dans la rue par un groupe de moines fanatiques se prétendant chrétiens. Elle fut traînée sur une place publique et massacrée dans une église. Selon certaines sources, on lui creva les yeux. Son corps fut découpé en morceaux et brûlé. Ses cendres furent répandues à travers la ville.
Les assassins voulaient effacer tout souvenir de cette femme. Ses contemporains vantaient l’étendue de son savoir et la qualité de son enseignement.
Dans la longue histoire de la connaissance, reconnaître l’apport des femmes de science a toujours été difficile. Hypatie est devenue le symbole de l’anéantissement de la femme sage ou, au contraire, de la séductrice démoniaque. À Byzance, elle représentait la femme savante. Au siècle de Lumières, elle incarnait le combat de la Science libérée de la théologie. Pour les théologiens, elle était une figure intemporelle du démoniaque et de la magie. Elle était une Lilith en puissance qu’il fallait anéantir à tout prix pour ne pas donner d’espérances aux autres femmes.
Sappho
Lorsque la bibliothèque d’Alexandrie a été incendiée, les flammes ont consumé l’ensemble en neuf volumes des œuvres rassemblées de Sappho. L’incendie n’a laissé que des fragments copiés par des fans et des érudits du monde antique.
Paradoxalement, grâce à ces cendres, Sappho s’est élevée avec sa lyre et sa poésie pour rester dans les mémoires comme la première femme à chanter l’amour pour les femmes, la première à défendre droit d’aimer qui l’on veut aimer.
Sappho écrivait aux femmes qu’elle aimait. Ce faisant, elle a été la pionnière d’un changement radical dans la culture musicale. Elle fut la première a chanté non pas sur les dieux, les saisons ou encore les guerres, mais sur soi-même. Plus prosaïquement, elle s’arrogea le droit de chanter sur l’incroyable univers intérieur de l’expérience humaine subjective.
Sans Sappho, il n’y aurait peut-être pas eu de chanteur laïque pour poser en chanson la question centrale de la conscience : « J’aimerais que tu saches ce que ça veut dire d’être moi. »
Pythagore a pris le mysticisme de la musique et l’a transformé en un langage mathématique. Sappho a pris l’ancienne tradition du chant sacré et l’a transformé en un nouveau genre littéraire de poétique personnelle. En pionnière de la chanson d’amour, elle s’autorisa à raconter nos propres histoires, tirées de nos expériences les plus intimes. Elle a offert au monde un cadeau immense et durable : la capacité de préserver nos histoires dans la chanson comme fondement de notre identité.
La musique en tant qu’Art Majeur
Les tyrans, les despotes, les dictateurs craignent toujours l’Art parce qu’ils veulent nous mystifier. Alors même que l’Art tend à nous libérer en nous faisant réfléchir sur nous et nos rapports aux autres et au monde.
À chaque étape de l’histoire de l’humanité, la musique, puissance mystique, a été un catalyseur de changement. Elle a défié les conventions et véhiculé des messages codés ou parfois en livrant des messages directs et sans ambiguïté. De là, vient la puissance mystique de la musique.
La musique a donné la parole à des individus et à des groupes privés d’accès à d’autres plates-formes d’expression, à tel point que, à de nombreuses reprises et dans de nombreux endroits, la liberté de chanter a été aussi importante que la liberté d’expression.
On pensait déjà dans l’Antiquité, il y a 2 500 ans, que les chansons possédaient une puissance magique.
Aujourd’hui, la science nous prouve régulièrement que la musique nous impacte d’une manière quasiment mystique. Et elle guérit toujours l’âme.
