Le syndrome du cœur brisé est bien plus qu’une métaphore et le chagrin d’amour n’est pas nouveau. Depuis des millénaires, l’humanité écrit des histoires, compose des poèmes et chante des chansons sur le lien entre notre cœur et nos émotions.  Depuis des millénaires, le chagrin d’amour démolit nos petits cœurs fragiles.  

Au fil du temps, alors que la science commençait à découvrir les secrets du corps, les scientifiques ont déplacé le source de notre douleur émotionnelle. Le cerveau est ainsi devenu le siège de l’émotion humaine et le chagrin semblait destiné à n’être plus qu’une métaphore.  

Mais alors même que la science localisait les émotions au plus profond du cerveau, des histoires circulaient au sujet de cœurs qui se disaient brisés. Les scientifiques se seraient-ils trompés ? 

Des couples mariés depuis longtemps meurent à quelques jours d’intervalle. Des parents qui se décomposent de chagrin après la perte d’un enfant. La mécanique de notre cœur étant particulièrement sensible au stress, le deuil ou la perte d’un être aimé déclenche une douleur particulièrement puissante et abominable. 

Il semblerait que la douleur physique soit localisée au cœur pendant les périodes de deuil. Et les statistiques le confirment. Nous sommes deux fois plus susceptibles de mourir dans les trois premiers mois suivant le décès d’un être aimé, conjoint, enfant, …  

La science du cœur brisé  

La question n’a commencé à être prise au sérieux que lorsqu’un syndrome inhabituel a commencé à apparaître dans les hôpitaux japonais dans les années 1990.  

Aux rayons X, les médecins ont vu le cœur de patients traumatisés changer littéralement de forme.  Le syndrome de Takotsubo, ou syndrome du cœur brisé, nous a fait prendre conscience que le chagrin d’amour n’est pas qu’une simple métaphore. Et que la douleur se situe bien au cœur et non pas au cerveau.

Les rapports ont commencé à tomber dans les années 1990, à la suite de tremblements de terre meurtriers. Après chaque catastrophe, les hôpitaux japonais se remplissaient non seulement de patients physiquement blessés, mais aussi de personnes soupçonnées d’être victimes d’une crise cardiaque.  

La cause est restée inconnue jusqu’à ce que les personnes souffrant de crises cardiaques se présentent à l’hôpital de la ville d’Hiroshima. Les médecins utilisent généralement des techniques d’imagerie de pointe pour visualiser les artères coronaires, les vaisseaux sanguins qui irriguent le muscle cardiaque. Pour déterminer la cause d’une crise cardiaque, les cardiologues peuvent injecter une solution de contraste opaque dans les vaisseaux sanguins pour détecter si un caillot ou une plaque rompue a conduit à un blocage.  

Mais les médecins d’Hiroshima ont utilisé une nouvelle procédure. Ils ont injecté une solution de contraste directement dans le cœur et ont enregistré des images en mouvement pour révéler la forme du cœur au fur et à mesure qu’il se contractait. 

Chez certains patients, ils ont vu deux choses qui les ont étonnés et intrigués. 

Premièrement, il n’y avait pas de problème physique bien que les patients aient tous les signes d’une crise cardiaque.  

Deuxièmement, le cœur se contractait dans une forme que les médecins d’Hiroshima n’avaient jamais vue auparavant. Le sommet du cœur se contractait tellement fort qu’il bloquait tout, même la circulation du sang.  

Le stress du cœur brisé

Ils venaient de découvrir et nommer la cardiomyopathie de stress, la manifestation physique du chagrin d’amour.  

Le deuil semblait être un déclencheur particulièrement puissant. La mécanique de notre cœur est extrêmement sensible au stress émotionnel. C’est ce lien avec le deuil extrême qui a donné au phénomène un troisième nom, syndrome du cœur brisé. 

Une fois que la nouvelle de la maladie s’est propagée, des rapports du monde entier ont commencé à arriver.  

Les déclencheurs n’étaient plus seulement les tremblements de terre et autres catastrophes naturelles. Ils incluaient désormais le chagrin, les traumatismes, le deuil, … 

D’autres caractéristiques ont surpris les médecins d’Hiroshima. La première était que la plupart des patients étaient des femmes. Ce qui était inhabituel car les maladies cardiaques sont plus fréquentes chez les hommes. Cela n’avait jamais été vu pour un type de maladie cardiaque auparavant. Une autre caractéristique était que beaucoup de patients se sont complètement rétablis, sans aucun signe de lésion cardiaque.  

Il y a bien eu quelques décès, environ 5% de tous les patients. Mais la majorité a quitté l’hôpital sans séquelles et en quelques jours. Alors même que ces personnes été admises avec de fortes douleurs thoraciques et une insuffisance cardiaque aiguë. Beaucoup n’ont plus jamais eu de problème.  

Les scientifiques et les médecins étaient pour le moins intrigués. Si les cardiologues n’avaient pas directement vu la forme étrange du cœur et sa contraction bizarre sur la radiographie, ils auraient pensé que les patients avaient imaginé ou mal interprété leurs symptômes. Du coup, la seule réponse scientifiquement acceptable était qu’un stress extrême peut provoquer un pic extrême d’adrénaline, mettant le cœur en panique. 

La mort cardiaque subite

Il existe une maladie appelée mort cardiaque subite. Le cœur entre dans un rythme chaotique (ou arythmie), connu sous le nom de fibrillation ventriculaire. Il ressemble alors à un sac plein de vers. Ses différentes parties se tortillent et se tordent au lieu de se contracter. Le sang n’est plus éjecté du cœur. La victime perd connaissance en quelques minutes. Sans l’intervention d’une défibrillation manuelle ou électrique, la mort est rapide. 

La mort cardiaque subite a exactement le même ensemble de déclencheurs que le syndrome du cœur brisé. Le deuil, les disputes, le stress physique ou émotionnel extrême en sont des déclencheurs communs. 

Les deux maladies ont en commun l’adrénaline. Pendant les moments de stress, le corps entre naturellement dans un état de combat ou de fuite dans lequel l’adrénaline stimule le cœur et détourne le sang vers les muscles. Cependant, un stress extrême peut provoquer une poussée extrême d’adrénaline, mettant le cœur en danger en perturbant son rythme. 

De toute évidence, les facteurs de stress sont évidemment importants.

Le syndrome du cœur brisé protège

Aujourd’hui, les scientifiques pensent que, paradoxalement, le syndrome du cœur brisé, nous protège de la véritable crise cardiaque. Il semblerait que ce soit un mécanisme de défense.  Et donc, de protection. 

Les changements cardiaques du syndrome du cœur brisé sont le résultat de niveaux élevés d’adrénaline qui stimuleraient anormalement le cœur et perturberaient son rythme. Mais, étonnement, ces mêmes changements cardiaques freineraient plutôt sa fonction. C’est-à-dire que le syndrome de Takotsubo protège le cœur de quelque chose de bien plus grave : la mort cardiaque subite. 

Le chagrin d’amour n’est pas nouveau. Vivre la douleur émotionnelle des catastrophes naturelles, du chagrin, des traumatismes, des disputes peut potentiellement avoir des conséquences physiques très réelles pour notre santé et notre survie.  

Nous pouvons littéralement avoir le cœur brisé. Mais l’histoire du syndrome de Takotsubo n’est pas seulement l’histoire de la façon dont le chagrin est devenu plus qu’une métaphore. C’est aussi le récit d’une histoire ancienne et familière dans laquelle le cœur est fondamentalement lié à nos émotions. Une histoire sur la façon dont les émotions dominent la vie et la mort. C’est ce que l’humanité raconte depuis la nuit des temps à travers la musique, la chanson, la poésie, la peinture et de l’Art en général.  

Le chagrin d’amour, s’il nous détruit, nous permet aussi de sublimer notre condition humaine. 

Une bouteille à la mer

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